Les procédures amiables de prévention : agir tôt pour éviter le dépôt de bilan

Réactivité pour éviter le dépôt de bilan

Votre entreprise traverse une période délicate ? La trésorerie s’étiole, les banques se montrent plus dures, les relances s’accumulent ? Avant d’en arriver au dépôt de bilan et à l’ouverture d’un redressement judiciaire, il existe des solutions puissantes, 100 % confidentielles, et surtout très efficaces : les procédures amiables de prévention proposées par le tribunal de commerce. Ces procédures sont cependant très méconnues des dirigeants, et font parfois l’objet de nombreuses fausses croyances. Prêt à embarquer pour un voyage salvateur pour votre entreprise ? Suivez le guide.

Prévenir plutôt que subir : l’intérêt des procédures amiables

Ces dispositifs juridiques ont un objectif simple : permettre au dirigeant d’anticiper les difficultés de son entreprise et de retrouver des marges de manœuvre financières rapidement, sans passer par une procédure collective publique.

Ils offrent des atouts majeurs :

  1. Une protection contre l’obligation de déposer le bilan,
  2. Un cadre sécurisé pour négocier avec les créanciers,
  3. Une confidentialité totale (article L.611-15 du Code de commerce),
  4. Un dirigeant qui reste aux manettes de son entreprise à 100% et qui reste décisionnaire sur tous les sujets qui la concernent,
  5. Enfin, des coûts maitrisés, souvent moins élevés qu’en procédure collective, tout à fait supportables pour l’entreprise.

Les trois outils à votre disposition

  1. Le Mandat Ad Hoc

C’est le levier de prévention par excellence, à activer avant l’état de cessation des paiements. Le dirigeant saisit le tribunal pour qu’il désigne un mandataire ad hoc, professionnel spécialisé, chargé de l’aider à négocier avec ses partenaires (banques, fournisseurs, bailleurs…). Le dirigeant garde le contrôle total sur le choix du mandataire de justice, il peut même proposer le nom du mandataire qu’il souhaite voir désigné pour l’épauler.
La procédure est souple, rapide, et entièrement confidentielle. Elle n’a pas de durée limite et s’adapte à chaque situation. On la démarre généralement avec une durée de trois à quatre mois, puis elle peut être renouvelée sans limite de temps. Il n’est cependant pas recommandé que la procédure s’éternise, car l’objectif est bien de négocier et de déployer au plus tôt un protocole d’accord avec les créanciers, qui met ainsi l’entreprise à l’abri des grosses difficultés.

  1. La Conciliation

Accessible si l’entreprise est en cessation des paiements depuis moins de 45 jours, la conciliation est plus encadrée et toujours confidentielle. Sa durée est limitée à 4 mois, prorogeable à 5 mois sous conditions à motiver. Le conciliateur, désigné par le tribunal, dont le nom peut être également proposé par le dirigeant, mène les discussions pour obtenir des délais, des abandons partiels de dettes ou des soutiens financiers nouveaux (“new money”). La durée plus courte de la conciliation s’explique par la situation souvent plus dégradée de l’entreprise à l’ouverture de la procédure, et permet de maintenir un rythme soutenu dans les discussions. L’ouverture d’une procédure de conciliation permet aussi de protéger l’entreprise contre l’assignation éventuelle de la part d’un de ses créanciers en redressement judiciaire, assignation qui n’est plus recevable par le tribunal durant la durée de la procédure. La procédure de conciliation permet aussi de demande au Président du Tribunal la mise en place de délais de grâce dans le cas où un créancier en particulier viendrait à bloquer les négociations. On ne le répète pas assez souvent : plus l’ouverture est faite tôt, plus les chances de réussite sont élevées.

  1. Le Règlement Amiable Agricole

Spécifique aux activités agricoles, ce dispositif reprend le même esprit que la conciliation : un cadre de dialogue sécurisé pour restructurer les dettes et préserver l’exploitation. Une des spécificités est qu’il n’est pas ouvert auprès du tribunal de commerce, mais auprès du tribunal judiciaire.

Une confidentialité totale

Les procédures amiables sont strictement confidentielles :

  • Elles ne figurent pas sur le Kbis, et ne sont pas publiées dans les journaux officiels,
  • Seuls les créanciers appelés à la négociation sont informés,
  • Et tous sont tenus à une obligation stricte de non-divulgation. L’information de l’ouverture d’une procédure est elle-même confidentielle.

Cette discrétion protège la réputation du dirigeant, la réputation de l’entreprise, la confiance des salariés et les relations commerciales. Elle permet aussi d’éviter la panique souvent associée aux termes “tribunal” ou “redressement”.

Comment ça fonctionne ?

Pour commencer, c’est le dirigeant qui décide de faire la demande d’ouverture au greffe du tribunal de commerce et peut proposer le nom d’un mandataire. Il prépare une requête, souvent avec l’aide d’un conseil, qu’il dépose au Greffe du Tribunal de Commerce ou du Tribunal des Activités Economiques dont sa société dépend. Un rendez-vous est alors organisé entre le dirigeant et le Président du tribunal. Ce rendez-vous reste plutôt informel, loin des rituels habituels des procédures collectives qui ont lieux en salles d’audience, en robe… Ici, l’entretien se passe généralement dans le bureau du Président du tribunal, sous la forme d’un dialogue. Je recommande cependant toujours aux dirigeants de se rendre aux rendez-vous accompagnés de leur conseil, car cela peut malgré tout parfois se révéler intimidant, d’autant que le vocabulaire employé en la matière peut se révéler déroutant pour quelqu’un qui n’est pas expert du domaine. A l’issue de l’entretien, la plupart du temps, le Président du tribunal émet une ordonnance et désigne ainsi le mandataire ou le conciliateur pour mener les négociations dans le cadre de la mission qui a été proposée

Sur la base d’un plan prévisionnel de trésorerie et d’activité, commence alors le travail de négociation pour trouver un accord avec chaque créancier appelé à la table des négociations. Les dettes et échéances sont rééchelonnées ; de nouveaux financements ou investisseurs peuvent être intégrés. L’entreprise reprend son souffle, restaure sa trésorerie et évite la procédure collective.

Selon les chiffres des juridictions commerciales, ces démarches enregistrent environ 70 % à 80% de réussite. Un taux exceptionnel dans le traitement des difficultés d’entreprises.

Comment une entreprise en difficulté peut elle payer les coûts liés à une procédure ?

Cette question, qui revient très souvent lors des entretiens que je réalise avec les dirigeants, est évidemment tout à fait légitime et s’appui en réalité sur deux craintes de leur part : le niveau de coûts à prendre en compte, et la capacité de l’entreprise à l’absorber alors qu’elle est par définition souvent en situation de trésorerie tendue.

Pour commencer, les honoraires facturés par le mandataire sont très souvent adaptés à la taille de l’entreprise. Il ne serait pas imaginable de facturer de la même façon une procédure impliquant une entreprise qui réalise plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires, et un commerce qui encaisse dix fois moins. Cela s’explique notamment par la complexité de la procédure qui n’est pas la même, avec un nombre plus important de créanciers, des sujets plus complexes à traiter et solutions plus difficiles à trouver et à mettre en œuvre. Donc oui, les commerces ont accès à ces procédures.

Le deuxième niveau de réponse concerne la capacité de l’entreprise à payer le mandataire. Et ici il faut bien comprendre qu’en réalité, les effets de la procédure, même s’ils vont être « sanctuarisés » par la signature d’un protocole d’accord en fin de procédure, son en réalité visibles dès le début de la procédure. Le mandataire demande un gel des dettes ou des échéances bancaires dès l’ouverture de la procédure, et ce pendant toute la durée de la procédure. Ainsi, l’entreprise ne doit plus décaisser, le temps de la procédure, ces échéances et retrouve donc généralement assez vite des couleurs, rendant ainsi possible le paiement des honoraires des professionnels qui les accompagnent. Donc pas de panique, si le choix est fait d’ouvrir une procédure, c’est que l’entreprise pourra payer les honoraires des professionnels qui l’accompagne.

Enfin, pour que la transparence soit totale, certains professionnels proposent un forfait maximum de facturation pendant la procédure, plutôt qu’une facturation à l’heure. Le forfait permet de clarifier dès le début de la procédure les montants qui seront à régler par l’entreprise, et permet d’éviter les surprises. Ces coûts peuvent alors être très facilement modélisés dans une projection de trésorerie pour s’assurer qu’ils ne poseront pas de problème.

En conclusion, la clé, c’est d’agir tôt !

Plus la situation est prise en amont, plus les leviers sont puissants : Les partenaires créanciers restent coopératifs, les solutions sont plus légères, et le dirigeant conserve 100 % du contrôle de son entreprise.

Anticiper, c’est aussi prouver sa lucidité et une bonne gestion, deux qualités appréciées par les tribunaux et les créanciers.

En matière de prévention, le temps et l’action sont les clés du succès.

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