Faire face aux difficultés financières : comment agir avant qu’il ne soit trop tard ?
Alors que les dernières estimations du nombre de défaillances en France en 2025 avoisinent les 70 000, nouveau record, c’est tout le tissu des TPE-PME françaises qui tremble. Lorsqu’une TPE-PME traverse une période difficile, la réaction du dirigeant, souvent seul aux commandes, fait toute la différence. La trésorerie s’amenuise, les échéances s’accumulent, la pression monte… et le réflexe du dirigeant, souvent perdu face à cette situation délicate, est parfois de s’enfermer dans la difficulté et d’y faire face seul. Malheureusement, peu le savent, mais c’est souvent en alliant rebond économique et restructuration financière que l’entreprise maximise ses chances de restaurer sa pérennité. Il est donc essentiel de ne pas se voiler la face pour aller chercher les solutions les mieux adaptées en agissant vite et en activant les bons leviers. Mode d’emploi.
D’abord, identifier les premiers signaux de fragilité.
Le premier signe d’alerte est souvent une stagnation ou une baisse du chiffre d’affaires. Cela peut aussi passer par une augmentation des coûts, donnant lieu à une réduction des marges, parfois ce sont les stocks qui s’accumulent, les retards de paiement qui se multiplient… Finalement le résultat est toujours le même : la trésorerie fond comme neige au soleil, les réserves constituées les années passées sont consommées, il devient de plus en plus difficile de payer les échéances de prêts, payer la TVA ou même les salaires… Attention à l’état de cessation des paiements ! Il est donc essentiel de poser un diagnostic rapide avec des professionnels compétents et discrets.
Pour agir de la bonne façon, il faut comprendre la situation et se projeter dans l’avenir.
Avant de chercher des solutions, il faut comprendre la réalité financière de l’entreprise. Plusieurs acteurs peuvent vous y aider, parfois dans la douleur… Vos banques peuvent tirer la sonnette d’alarme si le solde devient insuffisant. Parfois ce sont les fournisseurs qui lancent un rappel à l’ordre au travers de la relance d’une facture impayée. Dans ces circonstances, il est absolument nécessaire de prendre du recul et de construire une projection de trésorerie, dans l’idéal avec son Expert-Comptable (EC) ou un Directeur Administratif et Financier (DAF), pour être assuré que tous les paramètres de revenus, de coûts, et de décalages temporels liés au Besoin en Fonds de Roulement (BFR) ont bien été pris en compte.
« Réaliser une projection de Trésorerie a un coût, certes, mais la capacité d’anticipation que cela confère au dirigeant apportera une valeur bien supérieure ».
Mais attention, si l’EC ou le DAF réalisent la partie technique de la projection et vous accompagneront de leurs conseils avisés, c’est avant tout une projection d’activité qui sera nécessaire au préalable. Et ici, souvent seul le dirigeant de l’entreprise a la capacité de le générer de façon cohérente. Car il ne s’agit pas de simplement projeter les éléments du passé dans l’avenir, il s’agit en réalité d’effectuer un véritable travail de réflexion, qui prendra en compte autant la perception du chef d’entreprise et de ses équipes que les données chiffrées d’évolution du marché à disposition. L’évolution du taux de transformation des offres commerciales en fait partie par exemple, au même titre que les informations qui remontent régulièrement des clients … Ce sont donc les équipes au contact du terrain qui ont la sensibilité et les informations nécessaires pour décider. Certains dirigeants me disent : « Le monde économique aujourd’hui est tellement incertain qu’il est inutile de prévoir ! ». A ceux-ci ma réponse est toujours sans appel : « Peu importe que prévoir soit difficile, c’est justement parce que cette incertitude est forte qu’il n’a jamais été aussi important d’anticiper et de faire des prévisions ! ».
Une projection d’activité réalisée sérieusement permet de créer des scénarii et de fixer des objectifs clairs en termes de croissance commerciale ou de baisse des coûts. Ce prévisionnel doit capturer une période de 6 mois à un an pour donner une visibilité suffisante. Et de fait il devient le référentiel des décisions opérationnelles prises par le dirigeant. En systématisant l’exercice, en comparant systématiquement le réalisé au prévisionnel et en ajustant le processus d’élaboration du prévisionnel en fonction des apprentissages des itérations précédentes, ces prévisions deviendront de plus en plus fiables.
Enfin, il est important de ne pas se voiler la face ! Le prévisionnel montre que la trésorerie va partir dans le rouge et y rester pendant un temps long ? Eh bien BRAVO ! A défaut de bonnes nouvelles, vous savez au moins à quoi vous attendre ! Et quand les problématiques sont posées clairement, alors la question des options disponibles pour trouver les solutions adéquates peut être posée de façon sereine.
Être bien orienté pour éviter le mur.
Il est maintenant temps de construire un plan d’actions ! Admettons que les perspectives montrent un passage à vide de la trésorerie, sur un horizon plutôt long (plusieurs mois). C’est le cas de beaucoup de TPE-PME depuis ces deux dernières années. Elles font face à un environnement macro-économique très difficile, et beaucoup portent encore le poids des dettes constituées lors des années COVID, notamment au travers du Prêt Garanti par l’Etat (PGE). Si vos interlocuteurs habituels (EC et DAF) ne parviennent pas à vous renseigner, d’autres structures existent pour vous orienter.
A ce moment-là, le bon réflexe est très souvent d’aller chercher de l’aide. Et comme je l’ai énoncé précédemment, malheureusement beaucoup préfèrent continuer à naviguer seul jusqu’à ce que le bateau prenne l’eau. Mais croyez-moi, l’anticipation est de rigueur ! C’est quand il reste du temps et de la trésorerie disponible qu’il faut agir.
« L’écosystème de l’aide aux entreprises en difficulté fait peur. Pourtant, il est bien là pour aider les dirigeants à faire face, les guider vers les bons dispositifs et leur permettre de trouver les bons leviers »
Si vos conseils habituels ne parviennent pas à vous renseigner, vous pouvez alors vous orienter vers les partenaires ci-dessous :
- Les CIP (Centres d’Information sur la Prévention des difficultés des entreprises) : Ils réunissent un expert-comptable, un avocat et un ancien juge du tribunal de commerce, qui sont mis à votre disposition, gratuitement, pendant une heure. Vous leur exposez la situation, avec le prévisionnel en main qui vous aidera à être spécifique dans vos échanges, et ils vous conseilleront quant aux prochaines étapes possibles. C’est vous le dirigeant, vous écoutez les conseils, puis vous déciderez de l’orientation qui vous parait la plus pertinente. C’est 100% confidentiel.
- Les GPA (Groupements de Prévention Agréés) : composés d’anciens dirigeants expérimentés, ils offrent un regard pragmatique sur la situation et accompagnent le dirigeant sur une période allant d’un à trois mois, parfois plus. Une « task-Force » gratuite, mise à votre disposition pour vous épauler dans la tempête. Vous restez aux manettes, vous décidez de tout. C’est 100% confidentiel.
- La Cellule de Prévention du Tribunal de Commerce ou du Tribunal des Affaires Economiques : elle permet un entretien confidentiel avec le président du tribunal pour explorer les solutions juridiques avant qu’il ne soit trop tard. C’est gratuit et confidentiel, il suffit d’un appel au Greffe du Tribunal de Commerce ou au Tribunal des Affaires Economiques de votre juridiction pour prendre rendez-vous.
Fort des conseils ainsi collectés, en toute confidentialité et sans dépenser d’argent, vous pouvez maintenant baliser la situation et définir un plan d’action adapté.
Passer à l’action : deux leviers à combiner.
Généralement, il est nécessaire d’agir sur deux fronts qui sont complémentaires :
- Restaurer la profitabilité de l’entreprise : Cela passe par la relance commerciale, la réduction des coûts, et l’amélioration du recouvrement des créances. Cela peut aller parfois jusqu’à la révision complète ou partielle du modèle économique. C’est souvent la première chose à laquelle le dirigeant pense, et c’est tant mieux. Cependant, généralement il faut un certain temps pour que des effets notoires deviennent visibles. Ces actions sont la base du redressement durable de l’entreprise, et vont aussi permettre au dirigeant d’être d’autant plus pertinent sur le deuxième front.
- Restructurer la dette : Trop souvent négligée, voire ignorée, la restructuration de la dette (passif) est pourtant un outil puissant pour soulager immédiatement la trésorerie. Renégocier les dettes, étaler les échéances, voire obtenir des abandons de créances dans des cas très spécifiques permet de regagner du souffle en quelques semaines. Il existe plusieurs moyens de restructurer les dettes, et le moyen le plus efficace pour maximiser les chances de succès et les concessions obtenues, c’est de le faire dans le cadre du Tribunal de Commerce ou du Tribunal des Affaires Economiques, au travers des procédures de prévention (Mandat ad hoc ou Conciliation), qui sont confidentielles et présentent un taux de succès de l’ordre de 70%. Et encore une fois, un prévisionnel de trésorerie à jour et un plan d’actions concret pour redresser la profitabilité de l’entreprise sera nécessaire pour convaincre les créanciers de réaliser les efforts demandés !
La combinaison gagnante est souvent : Profitabilité + allègement du passif. C’est en alliant redressement économique et restructuration financière que l’entreprise maximise ses chances de restaurer sa pérennité.
Le succès ne tient pas à la chance, mais au timing et à la pertinence de l’action : plus les décisions sont prises tôt et de façon avisée, plus les solutions sont efficaces. Le rôle de l’expert du rebond est de prendre en charge les discussions avec les partenaires financiers, de rassurer les créanciers, et de permettre au dirigeant de se concentrer à nouveau sur son cœur de métier.
En conclusion, « Ce n’est pas une question de chance. C’est une question de timing et d’impact. ». Réagir dès les premiers signes de tension, poser un diagnostic lucide, et s’entourer des bons partenaires : tels sont les piliers d’un rebond durable.
Mickael Sanchez
Mandataire ad hoc & Conciliateur
